Boîtes et étiquette(s)


Il m’a dit au téléphone : «Je cherche ma p’tite vieille.» 

Je suis entrée dans l’ère de pick-up lines matures. 

Pire – je suis entrée dans l’ère où ils font mouche. 

À ma copine Lenka qui prenait des nouvelles de mes histoires de coeur, j’ai moi-même avoué : If I was not aging, I would not be searching for a man

La réponse longue : si je pouvais engluer les horloges et fucker le chien de Chronos, je passerais les dix prochaines années à être une célibataire allègre de 45 ans. J’adore ma vie. Je ne suis pas dans le cri, pas dans le manque, pas dans la désespérance de Brel, pas dans la misère sexuelle – bon, oui, juste des fois, mais j’essaie de prendre mon besoin en main. Idéalement en main d’autrui, les miennes sont prévisibles. 

(Parenthèse. J’ai fait une offre d’amitié avec bénéfices au Sultan d’Outremont. L’autre jour, il m’a envoyé la chanson Juste amis de Lydia Képinski avec Simon Proulx. Hum. J’ai skippé le «Essayes-tu de me dire kekchose?» pour aller direct à «Tsé qu’on pourrait être des amis avec bénéfices?». On a rouvert notre dernier rapport annuel, regardé les flux de trésorerie, et comme les actifs dépassaient le passif, on a agréé de collaborer à des nuitées de R&D charnel. 

Aucun invite n’a été envoyé jusqu’à présent mais je crois qu’on a une entente de principe.  

Et puis, mon beau Sultan est passé me voir au Salon du Livre pour me faire signer sa copie de Majesté. J’étais vraiment touchée de le voir. Aussi beau, aussi handsome, aussi mon ami. 

Pour le chapitre que tu m’as aidée à écrire, celui qui est dans le livre et tous les autres chapitres qui n’y sont pas. 

Pendant la rédaction, j’ai eu besoin d’insérer un moment heureux entre la personnage principale et son p’tit copain, sinon on ne comprenait pas pourquoi elle s’attachait autant à un anxious avoidant de la plus décevante espèce – un moment heureux que la vraie vie ne m’avait pas mis en stock. Alors j’ai texté mon Sultan, surprise!, après deux ans de silence. Voudrais-tu me raconter tout ce que tu te rappelles de notre première journée de ski ensemble à Owl’s Head? Il m’a appelée avec une tonne de détails. Après le lunch, – le trio ski : sandwiches, carottes, chips nature – j’étais allée me brosser les dents. Bien joué parce que Dieu qu’on a frenché ce jour-là, dans les chaises à quatre, dans les chaises à deux, dans le bar du chalet, sur le bord des pentes, couchés dans la neige, sur la terrasse au gros soleil chauffant, et dans la Communauto à la fin de la journée quand on s’est parkés sur le bord d’un chemin peut-être privé et que le soleil se couchait habillé en rose au bout du champ de neige. On écoutait Be mine – l’album avec la fille qui a le plus beau cul en jeans que tu verras jamais sur une pochette.

Notre conversation s’est transformée en un beau chapitre romantique, dont personne ne se doute qu’il est un copié-collé d’un mec sur un autre. Fin de la parenthèse.)  

Avec l’expérience, j’allais recommander à toute personne célibataire qui rencontre de combler ses besoins sexuels en-dehors de ses dates. Aussi basique que de ne pas aller faire ton épicerie quand tu as faim. Sauf que…bien c’est à l’épicerie que tu dois trouver les aliments qui feront que t’as pas faim! Où trouver un partenaire de casual sex sinon…sur une app? 

Car le désir sexuel qui est le joker de couleur dans la game du dating. Ça vient juste embrouiller les sentiments d’avoir du bon sexe avec quelqu’un ; ça attache, ça crée le goût de se voir…Même si cette personne n’est pas le partenaire que tu cherches. Pas ton p’tit vieux. Pas ta p’tite vieille. 

Une amie m’a dit qu’ils ont attendu cinq mois avant de frencher, elle et son amoureux. Cinq mois. Respect. Cela n’entre pas dans le spectre du possible en ce qui me concerne mais quelques semaines seraient un excellent début. 

Je ne suis pas blanche comme neige. J’entretiens quelques relations simultanées, dans des dimensions parallèles, sur des canaux de communication concurrents. C’est le jeu des applis, pourtant je m’inquiète. Suis-je en train de devenir froide et instrumentale? Qu’est-ce qui distingue la fatigue émotionnelle de la cruelle désinvolture? Je suis au plus près de mettre en pratique la stratégie qui consiste à fréquenter plusieurs personnes en même temps pour inverser le fardeau de la séduction. Quand on fréquente une seule personne, on cherche constamment à lui plaire. Quand on en fréquente plusieurs, ça repose sur l’autre de se démarquer et de convaincre. Théorie implacable. Mais inconfortable dans l’application. Enfin, de moins en moins inconfortable, depuis que je suis détachée et hard to get. 

Avec ma dernière freq, on compensait l’aridité de la conversation par des échanges de salive. J’énonce l’évidence : ce n’est pas ainsi qu’on apprend à connaître l’autre. On disposait d’à peine quelques heures par semaine – nos sens nous les volaient. Les vases communiquaient plus que nous. Après quelques mois, je n’avais pas l’impression d’en savoir plus sur lui qu’au jour 2.

Mon brise-glace peinait à mordre dans la banquise.

Mais qui a dit que je voulais conquérir la banquise? 

J’ai envie de conversations équatoriales, de parenthèses en chiendent qu’on arrache comme de la mauvaise herbe et qui repoussent à la minute où les racines retombent au sol, j’ai envie de passés fastes exprimés en touffes au pied des caféiers, ponctués de refrains punks ou de bikini kills, disputant nos connivences au puissant vacarme des roboculteurs de latex ; j’ai avenir que notre soif s’étanche d’histoires nouées en quipu, qu’on boive qu’on lèche tous les pores de nos peaux incas ou coca ou couleur havane.  

J’ai pas envie de silences entendus. J’ai pas envie d’un amour taiseux.

Si K-2000 n’a aucune chance de survenir dans la conversation, tu peux pas être mon chum. C’est ça le spectre.

J’en ai parlé avec Guillaume, mon buddy non-monogame, et il était critique de mes standards. C’est un autre élément de sa Théorie des ami.e.s. Quand tu te fais un.e ami.e, la relation se définit par elle-même. T’as un ami avec qui faire du sport, un autre avec qui tu as fait des voyages, un confident, des chums d’université, etc. Chaque ami peut créer et occuper sa propre boîte. En amour, on veut faire entrer la personne dans la boîte qu’on a prévue pour elle. Être non-monogame, c’est s’ouvrir à la diversité des cases, c’est ne pas forcer l’autre à se gonfler ou à s’amputer pour occuper un certain espace qu’on lui confère. 

Dans le fond, pas besoin d’être non-monogame pour ça. 

Simplement se rappeler qu’on reçoit pas toujours le cadeau qu’on voulait.

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Pourquoi l’avertissement Parental advisory, explicit contents

Je me suis simplement rappelé l’attrait de cette étiquette, sur les albums, jadis. Au lieu de créer un frein, ça ne faisait qu’attiser ma curiosité.

Joyeuses Fêtes!

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